Un tour de manège et puis s'en vont. [Vlad]

Il doit être 9h du matin, nous sommes un mercredi. J’ai toujours aimé ce jour là, le jour où il n’y avait pas école. Bien entendu, les adultes travaillaient, mais moi je pouvais rester à la maison avec Anita ma nourrice et aller au parc, faire des tours de manège ou encore de la balançoire, j’avais toujours l’impression de m’envoler et d’être quelqu’un d’autre, une princesse, un pirate, une fée. J’avais toujours aimé ce jour là, mais avec l’âge, ce jour là n’avait plus été aussi précieux, il n’était qu’un jour banal, où je partais voir ma grand-mère ou encore plus tard où je partais pour les cours à la fac ou pour des soirées de charité, ce jour là était devenu une quasi torture, me souvenant qu’il fut un temps où j’avais encore le temps de pouvoir, vivre sans avoir à m’occuper des autres, à rêver d’autre chose qu’une vie aussi blessante et fatigante. J’étais encore allongée dans mon immense lit à baldaquin, serrant cotre moi ma couette rouge bordeaux, j’entendis des petits bruits de pas dans la chambre d’à coté. La chambre de Louise, elle doit déjà être debout à cette heure ayant regardée les dessins animés et attendant que Anita l’amène faire un tour de manège comme chaque mercredi et depuis qu’elle en avait l’âge et que moi, je ne l’avais plus. Je me lève enfin, et me dirige en nuisette vieux rose vers la chambre de ma petite soeur. J'entrouvre la porte et reste dans le seuil en la fixant, elle est assise au milieu de son immense tapis de chambre entourée de manteau tous trop grands pour elle. Je m'avance vers elle, elle est belle cette enfant peut être encore plus belle que moi à son âge, elle a deux nattes qui lui tombent sur les épaules et elles porte un pull en cachemire vert foncé et une jupe motif écossais, elle a son éternelle paire de chaussette haute.

"Qu'est ce que tu fais à cette heure ?"
"Je cherche un manteau pour sortir, mon manteau rouge n'est plus à la mode"

Je m'approche d'elle en souriant et finit par m'agenouiller à côté d'elle et en attrapant le fameux manteau rouge dont il est question. C'est un Chanel, comme le mien, il a du couter une fortune et il est pratiquement neuf, il me rappelle que j'adorais toujours mettre du rouge quand j'étais enfant, désormais cela ne fait plus le même effet et je passerai facilement pour une intrigante. Je la regarde en souriant et finis par lui caresser le haut du crâne tendrement.

"Tu seras bien contente d'avoir pu en avoir un de manteau rouge plus tard et de pouvoir aller faire du manège avec. Alors comme ta grande soeur est gentille, elle va y aller avec toi."

Louise ne dit rien, elle me sourit et se relève à la hâte en hurlant à la femme de ménage de ranger le bordel qui était en train de régner dans la pièce. Cette petite avait élever par un prince et par la reine, comme tout mes autres cousins, elle serait plus digne que moi d'être de la famille. J'étais la pièce rapportée, celle que l'on tolère mais que l'on n'accepte pas totalement, celle qui aura toujours les frasques de tout le monde sur dos. C'est moi qui avait ramené Harry complètement ivre la dernière fois et bien, dans les journaux, c'était moi l'alcoolique. Louise était déjà prête en bas ayant mis ses petites mocassins vernis noirs, et son bonnet en laine rouge assortie avec le fameux manteau. Je me lavais donc à la hâte et me mis ce qui pouvait me tomber sous la main, se fut une robe en soie noire à col carré et à manche longue des chaussettes hautes noires, je mis aussitôt mes bottes Gucci noire en daim et mon manteau gris à col colonel. Je sèche rapidement mes cheveux, entendant Louise qui grogne non loin, du temps que je peux mettre et je finis par me viser un bonnet gris en grosse laine sur la tête, mon Iphone dans mon LongChamp noir et hop nous partîmes enfin pour Trafalguar Square.

Louise courait déjà dans la rue, sans se soucier de savoir si je pouvais arriver à la suivre ou non. Je tentai malgré tout de ne pas la perdre de vue tout en lisant les messages que j'avais reçu plus tôt, Vlasi m'avait appelée il me demandait de revenir tout de suite à l'appartement, visiblement il était contrarié comme d'habitude car j'avais dormi ailleurs. Je finis par rattraper ma sœur et nous entrâmes dans le parc, de nombreux enfants jouaient déjà autour de nous, les chevaux de carouselle étaient fréquentés, mais contrairement à d'habitude, il n'y avait pas foule. Il devait être désormais 11h, ce n'est donc pas étonnant. Elle se tourna vers moi avec un regard suppliant. Je compris aussitôt et sortis quelques billets de mon porte feuille et les lui tendit. Ma sœur courut aussitôt pour acheter au vieux Tom plusieurs tours de manège. Ce vieil homme nous a vus grandir, surtout moi. Il me sourie et me fit signe de la main, je lui rendis son sourire et lui fit un signe de tête. Je finis par m'asseoir sur un banc en pierre, posant mon sac par terre et regardant le manège se lançant dans ses tours. J'avais toujours aimé les manèges, leur mouvement répété, leur musique, leur décor, j'avais l'impression d'être ailleurs et pourtant j'étais toujours à Londres. Je sortis mon appareil photo et pris quelques photos de ma sœur s'amusant sur le manège et du parc, avec les enfants jouant dans l'herbe et leurs parents les surveillant. Je finis par ranger mon appareil dans mon sac et attendant comme une idiote à regarder mes pieds.

Je finis par m'allonger de tout mon loin sur le banc, sur le côté, la joue contre la pierre froide, fermant les yeux et entendant ma sœur rire aux éclats sur un cheval en bois. Plus j'entendais ma musique de ce manège et plus j'avais envie de hurler à Vlasi, de lui dire que je le haïssais plus que tout et dire à mon père, qu'il n'avait jamais été un père juste un inconnu qui me serrait dans ses bras quand on nous regardait et quand il le jugeait utile et puis je ne sais pas. Hurler et encore hurler, partir loin d'eux, loin de ses hommes qui se sentent obliger de me pourrir la vie en croyant que c'est ça l'amour que l'on porte à une femme, la baisait et la payait et qu'elle nous remercie pour ça. Je comprends pourquoi Jack l'éventreur tue et au fond j'aimerai qu'il m'achève parfois, car toute seule qu'il a tué, n'avait pas une vie qui méritait de continuer, qui aimerait continuer à vivre en sachant qu'on ne sert qu'à supporter les choix des autres sur nous, qu'on ne sert qu'à obéir, qu'à faire tout ce qu'il faut pour ne passe faire tuer. Autant se faire tuer tout de suite, ça va plus vite et ça fait moins mal. Je pensais avoir été une fille intelligente tout au long de ma vie, mais je n'ai fais que plaire aux miens et maintenant à force de vouloir plaire, je n'arrive même plus à m'aimer moi même. C'est donc pour ça, que je ne suis qu'une fille reconnue de plus et qu'une maîtresse de plus. . .


J'étais encore perdue dans mes pensées et je n'avais pas vu que quelqu'un était venu s'asseoir sur le peu de place que j'avais pu laisser au niveau de ma tête. Je sentis alors la chaleur qui se dégageais prés de moi, je sursautais et me redressais aussitôt en regardant la personne à côté de moi et bien évidamment, je ne sais pourquoi... Comme par magie, je le connaissais, ma visage retrouva son air sombre et je finis par LE fixer avec un air dédaigneux.

"Qu'est ce que tu fais là ?"

Lorsque Vladislav Kuznetsov avait vu Emily pour la première fois, il n’avais pu s’empêcher de la regarder, longtemps. Il savait reconnaître la beauté lorsqu’il la voyait, et il était clair qu’Emily était sublime, même si elle avait été limite agaçante - quand elle lui avait dit qu’elle ne voulait pas de lui
Avec son caractère ultra social et sympathique, il était plutôt rare qu’il se fasse jeter par quiconque, et cette fille était parvenue à lui faire clairement comprendre (ou du moins tenté de lui faire comprendre), qu’elle ne voulait pas d’un russe dans son existence. Soit. Ça n’était pourtant pas comme si il l’avait draguée de manière outrancière… ça n’était pas son genre.

Day Off.

Vladislav ne savait jamais quoi faire des jours durant lesquels il ne travaillait pas. La grasse matinée? Impossible. Si il lui arrivait de se coucher à l’aube, il était cependant incapable de se lever après 9 heures du matin, à son grand cam. Le russe, ce jour là, avait tenté de s’organiser logiquement. Un jogging, un café, et puis il irait errer devant son lieu de travail, histoire de voir si le mec avec lequel il travaillait ne tentait pas de vendre n’importe quoi aux clients, chose qu’il abhorrait. Oui, Vlad avait une conscience professionnelle inégalable, même si elle était sans doute perdue par le peu de responsabilités dont il disposait sur son lieu de travail.
Vêtu d’un tee-shirt, d’un pantalon de survêtement et de baskets, on n’aurait pu croire qu’il était arrivé à Londres il y a quelques années, avec seulement un sac rapiécé et sans un kopec. De nature hyper active, le jeune slave avait toujours besoin de s’activer, de courir de gauche à droite, de visiter du monde, bref, de tout faire sauf se penser et réfléchir, ce qui, au fond, n’était pas plus mal. Ce qu’il faisait au parc, vous l’aurez bien compris, était de s’épuiser.

Si Trafalgar était un endroit magnifique en été, ça n’était nullement le cas à cette période de l’année, ou tout était gris, et ou la température frôlait le zéro. Pourtant, effectuer un tour complet du parc équivalait pour Vladislav, à rendre visite aux personnes qu’il croisait chaque semaine, que ce soit le vendeur de sandwichs à l’entrée du parc à qui Vlad achetait une pâtisserie ou encore la vieille dame au caddie qui lui parlait de sa jeunesse en mangeant ce qu’il venait d’acquérir. Puis, après quelques centaines de mètres, la partie réservée aux enfants, les manèges qui plongeaient toujours le jeune homme dans une certaine mélancolie, lui qui n’avait connu ces plaisirs de l’enfance, et qui n’osait qu’à peine saluer d’un signe de tête l’homme qui, avec ses tickets, offrait du rêve aux plus jeunes.

Faisant le tour du Carrousel à petites foulées, il regardait mine de rien les chevaux de bois, la mine sombre et les yeux à demi clos. Alors qu’il passait à coté d’un banc, une silhouette, un visage attira son attention. Allongée telle une princesse de contes de fées, Emily. Elle ne lui avait jamais dit son nom, bien sûr, mais il avait bien fini par l’obtenir par une de ses amies, le soir de leur rencontre, avec laquelle il avait d’ailleurs fini la nuit… (mais ceci est une autre histoire).

Malgré les lieux, il ne put laisser passer l’opportunité de passer quelques minutes avec la jeune femme. Le russe vint alors s’asseoir devant elle, contemplant sans un mot le visage aux yeux clos.
Il fallait qu’il l’aie, qu’il puisse la toucher, la faire rire, l’embrasser… Ou alors, devait-il s’en aller, s’éloigner avant qu’elle ne le voie, et se contenter des jolies clientes de son magasin qui donneraient un an de vie pour un sourire de lui.

Mais alors, elle ouvrit les yeux, sursauta, se releva. Vlad n’eut d’autre choix que de garder contenance, il ne pouvait plus s’en aller. Tant mieux, dans un sens, le destin avait joué en sa faveur… Même si Emily ne paraissait plus contente que ça de le voir à coté d’elle. C’était assez vexant, d’ailleurs.

« Bonjour toi aussi  » sourit-il, son accent russe omettant parfois les prépositions. « Tu étais supposé attendre mon baiser avant de te réveiller » Levant les yeux au ciel, il fit mine de réfléchir.
« Qu’est-ce que tu fais à dormir sur le banc? Tu n’as pas de maison, princesse?  »