Один, Два, Три : водка ! ▬ Lukas J. Still

«  - VODKA ! Une autre ! »

Vlasi avait passé la soirée à hurler ça dans un anglais imparfait, et, à cela, ajoutez son très fort accent russe. Tous les clients de ce bar de Camden le regardaient d'un drôle d'oeil. Certains étaient amusés par le nombre de shooters vides qu'il y avait devant lui, d'autres étaient impressionnés, et, malgré l'endroit mal famé et la population qui s'y trouvaient – des junkies, des gars pas nets – de nombreuses personnes l'évitaient. Pourquoi ? Parce qu'un gars qui s'enquille, seul, une telle quantité de shooters de vodka, qui parle avec un tel accent russe et qui a un regard tellement mauvais, en plus d'une aura qui pue le malfrat à plein nez, on ne va pas lui chercher des noises. Le patron lui amena son vingt-et-unième shooter (autant vous dire que le pauvre Vlasi était dans un état plus que pitoyable), qu'il but cul-sec aussitôt que le verre à liqueur avait été posé sur sa table. Le russe hurla une nouvelle fois qu'il souhaitait une vodka, et l'un des serveurs se planta devant lui en refusant, prétextant tout un tas de choses que Vlasi ne comprenait pas, vu son état, et son anglais qui laissait relativement à désirer. La seule information qui était arrivée jusqu'à son cerveau, c'était ce « non », bien sonore. Grognant, et posant une nouvelle liasse de billets sur la table (c'était à se demander comment il avait fait pour réussir à sortir des sous de son porte-feuille, vu comme il tanguait, sur sa banquette), et, d'une voix basse et grave, serrant les dents, il répéta qu'il voulait une vodka. Le serveur resta intangible, et lança un deuxième « non ». Enervé qu'on ne réponde pas à ses désirs (lorsqu'il était dans sa famille, personne ne lui refusait rien, et ne lui disait ce qu'il avait à faire, sauf son père, puisqu'il était son supérieur). Vlasi se leva subitement, sembla vouloir renverser la table pour montrer qu'il décidait quand il s'arrêterait de boire, mais ce geste brusque le déséquilibra et il tomba sur le sol. Tout le monde les regardait. Le russe se releva, fit quelques pas en titubant, avant de s'écrouler de nouveau. Le serveur l'attrapa par le dos de sa chemise blanche, tout en tournant les yeux vers son patron et en lui faisant un signe d'interrogation de la tête. Son supérieur y répondit par un hochement, et, murmurant un petit « Bien ! », l'employé du Druids' Head tira Vlasi pour le faire de nouveau se relever. Ce dernier commença à s'exciter en russe, à proférer des menaces à l'attention du serveur, qui traînait le mafieux à l'extérieur de son bar par la porte de derrière. Un coup de pied au cul et un claquement de porte plus tard, Vlasi se retrouva à moitié allongé contre une poubelle dans une ruelle mal famée. Il soupira, et, deux secondes plus tard, il avait oublié ce qu'il faisait là, il avait oublié ce qu'il aurait vu comme une grande humiliation s'il avait été sobre, ce coup de pied dans son derrière. Passant sa main dans sa porte de pantalon de smoking, dans un mouvement incertain, il tira un paquet de cigarettes, en prit une qu'il mit en bouche. Mais vu son état pitoyable, il était incapable de sortir son briquet, et croyait même qu'il ne l'avait pas. De nouveau, il se leva, s'appuyant contre le mur des bâtiments qu'il longeait pour ne pas tomber. Il rejoignit une rue un peu plus grande et un peu plus fréquentée. Il était vingt-trois heures et Vlasi était saoûl, un vrai poivrot. Il vit un groupe de punks qui fumaient tranquillement, bière en main, et les accosta en leur demandant du feu... Dans sa langue natale, si bien que les gars le regardèrent en se demandant mutuellement si quelqu'un avait compris. Ils haussèrent les épaules, et le russe grogna dans sa barbe naissante. Faisant demi-tour, manquant de se casser la gueule et se la cassant régulièrement, il arpenta la rue, s'aidant toujours du mur. Un moment, il s'arrêta, et il vit une silhouette venir vers lui. Il continua à parler tout seul en russe, avant de lever vraiment les yeux vers l'homme devant lui. Il mit un certain temps à comprendre que celui qui se tenait devant lui n'était personne d'autre que ce petit dealer qui revendait la drogue que la mafia russe lui filait, et avec qui ils partageaient les bénéfices. Vlasi l'aimait bien, il savait qu'il pouvait avoir confiance en lui. Enfin non, pas qu'il savait, mais il avait confiance en lui.

«  - Lukas... Tu as feu ? »

Il se mit à rire de façon un peu démente. Son hilarité provoqua chez lui de nombreux mouvements, qui, une fois de plus, le firent perdre l'équilibre, et il tomba de nouveau. Mais cette fois, il ne se releva pas, se laissant échoué par terre, à moitié allongé, en appui sur un avant-bras, la tête contre le mur.

21h30. Il restait exactement dix minutes à Lukas pour sortir de sa chambre et allait récupérer son stock chez un revendeur. Sauf que monsieur était encore dans son lit et en caleçon. Les yeux rougit par la fatigue et autre chose, sa chambre empestait le tabac froid. Finalement il se leva, peut être un peu trop rapidement car il se sentit chavirer mais eut le temps de se retenir à sa table de chevet. Il se dirigea vers la fenêtre qu’il ouvrit en grand et huma l’air frais du soir. Il faisait déjà nuit depuis une bonne heure et Lukas venait de passer la journée enfermait dans sa chambre à dormir et à fumer. Y’avait des jours comme ça où la flemme l’emportait sur le reste. Mais il fallait se ressaisir. Lukas disparut dans la salle de bain que contenait la chambre et y ressortit, une serviette autour des hanches. Il enfila rapidement un jean gris foncé, presque noir suivit d’un marcel gris. Retournant dans la salle de bain, il se lava les dents tout en se passant un coup de gel dans les cheveux et poussa un long soupir. Sérieusement, il n’avait vraiment pas envie de sortir ce soir. Il enfila une simple veste noire à capuche ainsi qu’une paire de converse et sortit en claquant la porte de sa chambre derrière lui.

Très vite, la bonne humeur de Londres le rattrapa. On était vendredi et ce soir tout le monde était de sortit, en passant du punk au petit fils à papa. C’était une très bonne soirée. S’engouffrant dans une petite ruelle, le jeune homme arriva après dix minutes de marche devant un garage ou un vieux était allongé sous une voiture. Sans même prendre la peine de se pencher, il salua le vieux d’un signe de main et s’engouffrai dans l’arrière boutique. Sur la table il trouva un sac emplit de sachet blanc ainsi qu’un mot. Il ne prit pas la peine de le lire et mit le sac sur son dos avant de ressortir. Ce soir il n’avait pas vraiment envi de travailler, c’est pour ça qu’il planqua le sac dans les poubelles un peu plus loin.

S’enfonçant dans Camden Town, il salua quelques junkies qui passait par là. L’envie lui pris soudainement de rentrer chez lui mais il défia son instinct pour aller voir du côté du Druid’s Head. Il trouverait peut être quelqu’un avec qui passait la soirée. Sans se soucier des gens autour de lui, il jeta un rapide coup d’œil par l’une des fenêtres du pub. Héé c’est qu’il y avait beaucoup de monde là dedans. Faut dire que ce bar avait une très mauvaise fréquentation mais les touristes osés quand même venir car l’endroit était hanté. Chose en quoi Lukas ne croyait pas du tout d’ailleurs. Bousculant un camé, le jeune homme entra dans le bar et s’asseya au comptoir. Il salua le barman d’un ton endormis et comendais un whisky.

-Hé bien Joe, tu ne semble pas de très bonne humeur ce soir.

Effectivement le barman parlait dans sa barbe et renvoyer chier la plupart de ses clients alors que d’habitude c’était un grand joyeux, un type qui parlait de la pluie et du beau temps avec tout le monde. Le barman fixa Lukas et s’approcha de lui tout en essuyant un verre avec un torchon blanc.

- Y’a une espèce de russe qui est venu vider mon stock de vodka et en plus il en redemander ! Nan mais j’te dis, si il n’aurait pas eut une tête de mafieux je l’aurais finis de mes propres mains.

Lukas arqua un sourcil. Un russe qui buvait de la vodka et en plus avec une tête de mafieux ? Le brun afficha un petit sourire amusé et finit son verre de whisky d’une gorgée avant de se lever et de disparaître sous le regarde interrogateur du barman qui finit par s’occuper de remplir le verre d’une junkie. Une fois dehors, Lukas s’enfonça dans une petite ruelle et trouva ce qu’il cherchait, ou plutôt ce qui cherchait le trouva.

- Lukas... Tu as feu ?

Le russe se mit à rire d’une façon grotesque avant de s’écrouler contre le mur. Il était vraiment dans un sal état le pauvre. L’anglais se laissa tomber à côté de Vlasi.

- T’es dans un état, sérieux, tu fais peine à voir. Faut que t’arrête la vodka mon vieux.

Lukas ▬ T’es dans un état, sérieux, tu fais peine à voir. Faut que t’arrêtes la vodka mon vieux.

Ne vous a-t-on jamais dit d'éviter de parler d'alcool devant quelqu'un qui est complètement bourré ? C'est comme évoquer le mot « chocolat » devant une fille, ou le mot « sexe » devant un garçon (bonjour les préjugés, mais s'ils étaient faux, ce ne serait pas drôle). Ca a pour effet de « réveiller » la personne : « Quoi, où ça ? ». Ce qui fonctionna évidemment sur Vlasi, avec une efficacité des plus étonnantes. A moitié allongé dans la rue, à moitié assis, affalé comme s'il était dans un canap' avec un mauvais match de foot et une bière à la main, il se redressa immédiatement, avec une rapidité et une agilité surprenantes pour quelqu'un qui avait plusieurs grammes d'alcool dans le sang. Mais une fois debout et droit comme un « I », il se remit à tanguer. Il appuya l'une de ses mains contre le mur, et, cherchant ses mots, balbutiant, la cigarette entre les lèvres (qui ne manqua pas de tomber à ses pieds dans que celui-ci ne le remarquât), il reprit :

Vlasi ▬ Vodka ? Je payer un verre à tu, viens, nous boire vodka !

Bourré, Vlasi parlait encore moins bien anglais qu'à l'habitude, déjà que son niveau laissait clairement à désirer. Il passa un bras autour des épaules de Lukas, fermement, et le traîna vers l'entrée du Druid's Head. Il n'entendait rien, à part l'appel de sa boisson préférée. L'anglais pouvait bien protester, refuser, ou être d'accord, il ne s'en rendait pas compte, et le tirait probablement contre son gré dans un bar dans lequel le Russe n'était plus le bienvenu depuis maintenant une petite dizaine de minutes. Vlasi galéra à pousser la porte, mais y parvint finalement, à coups d'épaule. Marmonnant une nouvelle fois dans sa langue natale, le mafieux tituba jusqu'à une banquette, sur laquelle il s'écroula. Bien heureusement pour eux, il ne voyait pas tous les gens qui le regardaient, méfiants, l'oeil mauvais ou inquiet, qui le fixaient. Parce que saoûl comme il l'était, il aurait été capable de sortir son couteau et de trancher une ou deux gorges. Cet homme ne tuait pas pour le plaisir, non, il éliminait juste les gens qu'il haïssait et qui pouvaient constituer des menaces à ses yeux. En revanche, impulsif, colérique et violent comme il l'était, il n'était pas rare qu'il veuille voir un certain nombre de têtes tomber... Mais généralement, ses sbires, ou, au mieux, son père, mais celui-ci était resté en Russie, le contrôlaient, le retenaient de faire des choses qui pourraient le conduire tout droit en prison pour quelques années. Alors, contre son gré, Vlasi Lev se contenait et ne tuait que lorsque cela était nécessaire.

Et donc, voilà, le Russe était rentré de nouveau dans le Druids' Head, s'était affalé – ou plutôt, était tombé – sur une banquette, et le patron regarda Lukas les yeux ronds comme des billes, éberlué, faisant « non » de la tête. Non, pas lui, il fallait qu'il sorte de son bar, et qu'il n'y remette plus les pieds. Mais la fois où il s'était risqué à refuser une vodka à Vlasi, celui-ci s'était redressé d'un coup, à ce moment-là un peu plus sobre qu'à l'instant présent, et avait menacé le patron entre les dents, après avoir renversé la table et tout ce qui se trouvait dessus. Un impulsif, un vrai de vrai. Kuznetsov fit un geste de la main vers un serveur, qui s'approcha, et il reprit sa phrase « préférée » :

Vlasi ▬ Vodka !!!